Je m'appelle Marion, j'ai 28 ans et
je sors fraîchement de l'école des Beaux-arts de Nancy où j'ai passé en juin dernier un dnsep post confinement.

Ce diplôme préparé à la maison et présenté via zoom s'est développé sous la forme d'une vidéo dont je vous place le lien ci-dessous:
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Pendant ce confinement, j'ai commencé à explorer les espaces encore inconnus autour de mon appartement, en commençant par le réseau des toits.
En faisant cela j'ai alors découvert par miracle un bâtiment désaffecté en contrebas.
J'y ai rapporté une échelle afin de pouvoir y aller régulièrement et débuter ainsi une série d'expérience.
En plaçant les pièces produites pendant l'année dans cet espace, je pensais recréer une sorte d'exposition sauvage où les oeuvres seraient désormais laissées comme telles, autonomes, en mutation.


Ce dernier projet de dnsep a provoqué le désir de continuer à explorer et à mener des expériences plastiques dans ces espaces à l'atmosphère si particulière, d'où ma candidature à votre proposition de résidence.

Comme vous le rappelez Leipzig -que je ne connais pas mais dont on m'a souvent parlé, et d'autant plus votre quartier de Plagwitz/Lindenau ont l'air de bénéficier d'espaces comme ceux-là dont l'inspiration pourrait être incroyablement favorable.

Habituée par le graffiti à la recherche de lieux comme ceux-là, ils sont devenus pour moi des espaces tenus secrets où l'on vient réfléchir et se reposer.




Comme les grands espaces naturels qui ont l'air de parsemer la ville, je tiens beaucoup à ces endroits dans ce qu'ils possèdent de fantasmagorique.

Et c'est ce surgissement du fantasme, de l'étrange dans le réel, du mythe que tient une part importante dans mon travail.

Énormément influencée par l'atmosphère des lieux, les histoires de chacun et la littérature en
générale, je me plais à construire des fictions dont la narration n'est somme toute pas toujours évidente.

Comme de nombreuses consoeurs et confrères, notre génération tenue au courant des informations à chaque moment à notamment servi à accentuer notre angoisse face au monde et à notre futur.

Aussi, proche de ceux-là, il ne me semble pas avoir de questionnement cantonné à un sujet très précis
mais plutôt de traiter de ces craintes, de ce que l'on nous ampute comme liberté, de ce qui nous divise, de ce qui nous anime, de ce qui nous défini en tant qu'êtres humains.
L'installation vidéo ci-jointe est par exemple une installation faite de six écrans placés à des hauteurs différentes qui diffusent en temps réel des images provenant de caméras de surveillance.

Ces caméras privées ont été piratées et choisies pour leurs emplacements (la France), pour leurs esthétiques ou le caractère étrange de l'image.

Contrairement à d'autres projets qui traitent de la surveillance, le spectateur n'est pas placé comme sujet mais comme voyeur d'un paysage finalement assez méditatif.
Un autre projet comme celui-ci m'est venu lors d'une promenade nocturne dans la ville de Marseille où la tension ambiante entre population et autorité est palpable.

J'ai alors imaginé le texte d'une sorte de société vivant dans les sous-terrains de la ville, préparant l'offensive.
J’habite les recoins sombres de nos villes. Mes cachettes sont choisies pour leur vacuité, là où l’oeil du commun se dérobe.
Du Sang personne ne sait où le scribe sommeil.
Sous les arcades ou dans un bosquet, à l’interstice je transcris, crayon levé, là où l’ombre est permanente.
C’est en ces lieux d’avant-scène que se tiennent les signes de l’état de siège, des voleurs aux violeurs, de malhonnêtes colporteurs aux maîtres corrompus.
Nous savons les rôdeurs, que ces marqueurs trahissent l’avènement d’une guerre sans précédent.
Aussi j’écris ces lignes aux miens, pour ceux qui trouverons ce message et ceux qui voudront se rallier à notre quête.

À chaque instant, nos rangs s’étoffent à mesure que nous disparaissons.

Une partie de nous échappe déjà progressivement aux scanners
et sont devenus capables aujourd’hui de contrer les portiques et les radars.
Moi-même qui joue de l’écrit, n’ai-je pas de nom. Il n’apparait plus nulle part, nous sommes visage drapé et identité faussée au service de nos frères et sœurs.

Mais je dois faire preuve de prudence, car ceux qui nous craignent ne sont pas tous endormis. Certains de ceux qui l’ont décidé, ceux-là même qui ont scié les dalles et vivent en secret dans les tunnels sous terre, étudient la nuit les mouvements des hommes casqués, connaissent l’heure et la danse de leurs rondes.
Pour l’heure, je continue ma marche, il est temps de réveiller mes frères endormis, à l’aube de cette nouvelle ère.

Au royaume de l’obscurité, nous avons abandonné notre habit pour revêtir chacun celui de roi et reine.
Ce projet, plus ancien que les autres est également une promenade nocturne effectué par une personne se filmant avec un téléphone.
Le personnage perdu, déambule en prononçant des phrases, comme ci celui-ci n'étant pas tout à fait humain, essayait de comprendre le langage, s'exercer à la socialisation.
Même si la vidéo prend beaucoup de place dans mon travail pour créer des narrations, et que nombreuses de mes références sont des artistes qui l'utilise, comme Pierre Huyghe avec "Human Mask", Clément Cogitore, Neïl Beloufa, avec "Kempinski", Jonathan Glazer ou encore Andrei Tarkovski ...
... Je possède aussi une pratique de l'écriture et du dessin régulière. Parfois laissées à l'abandon dans une série de carnet de croquis mais parfois transformées, comme avec les gravures que vous avez peut-être aperçues dans la vidéo plus haut.

Ces gravures sont le reflet des multiples promenades effectuées dans les lieux abandonnés, zones industrielles ou détails observés dans la rue.

06
25,5X35,5CM
10
40X40
09
40X40CM
En passant,
un carnet scanné
le tour d'horizon ;

j'espère que cette courte présentation vous intéressera
la vôtre m'avait plutôt conquise!

À bientôt
>:-)


Marion

"C’était un vaste réseau de grottes aux parois garnies de lichens mauves. Le jour dégringolant des fissures s’amusait à dessiner des formes grotesques. Mais il y avait quelque chose de plus étrange que ces jeux de lumière : un silence profond et mat, un silence que je n’ai jamais retrouvé nulle part, le silence des terres désolées et inconnues, des tombeaux de connaissance."

Bruce Bégout
« New Underground. Des artistes furtifs », p. 7-8
Pierre Ardouvin. Tout est affaire de décor. Vitry-sur-Seine : Mac Val. 2016.